L’organisation du territoire « vignoble » s’est réalisée en strates successives depuis plusieurs générations, en fonction de l’intérêt économique grandissant pour la production de muscadet qui a supplanté toutes les autres productions autour des années 1970.
L’interminable dégradation du marché ces quinze dernières années n’en finit plus d’impacter férocement les exploitations, les hommes et finalement tout le territoire qui se découvre en paysage mité de parcelles de vignes abandonnées en non-valeur économique, sans avenir ou allant vers les friches.
La situation structurelle du vignoble sur le plan foncier, faite de multiples propriétés et de petites parcelles qui n’ont très souvent pas été remembrées, renforce si besoin était, cet état de fait.
Les tentatives de remédier à la situation par les collectivités et la profession en ont fait l’amère expérience se heurtant également à la qualité agronomique des terres libérées qui ne permet pas d’envisager facilement et durablement le retour à la polyculture élevage.
La crise agricole qui sévit durement pour les mêmes raisons en faisant des dégâts similaires n’offre pas de perspectives économiques intéressantes de ce côté.
Il faut ajouter à ces considérations la moyenne d’âge des viticulteurs. Cette crise condamne trop souvent les exploitations à une cessation pure et simple avec abandon du vignoble au moment du départ à la retraite.
À ces difficultés structurelles s’ajoute la catastrophe climatique de 2016 et 2017, à la suite d’aléas déjà apparus en 2014 et 2015. Elle met en très grand danger bon nombre d’exploitations viticoles dont l’équilibre financier n’a cessé de se précariser depuis le début de la crise.
La déprise viticole va ainsi très probablement continuer de s’accroître sans que des solutions ou des perspectives durables n’apparaissent clairement.
Seul élément nouveau, une arrivée massive de populations nouvelles dans le territoire qui pourrait, sur le plan sociologique, aérer cette atmosphère nourrie d’un fatalisme de plus en plus étouffant. Souvent éloignées des traditions mais aussi plus soucieuses de santé publique, elles font émerger des perspectives nouvelles pour satisfaire leur demande d’une alimentation plus saine et veulent être entendues pour le respect de leur cadre de vie.
La présence de nombreuses AMAP témoigne de l’intérêt grandissant des nouveaux habitants pour une alimentation saine produite localement.
La création des CIGALES, au nombre de quatre dans le vignoble, plaide en faveur d’une volonté naissante d’engagements concrets de la population pour améliorer son cadre de vie.
De jeunes porteurs de projets débattent régulièrement et mettent en commun des idées et des besoins lors de cafés-installation (domaine agricole) organisés localement.
Démarrage de la réflexion
Un premier groupe de travail entre militants associatifs et syndicaux s’est formé à partir de ces constats. Ce groupe s’est donné comme objectif de travail la réflexion sur les moyens à mettre en œuvre pour créer une nouvelle offre économique en répondant aux préoccupations locales nouvelles.
Les premiers constats
Les causes économiques connues de non transmission des parcelles au moment des cessations d’activités ou de leur abandon ont orienté les débats sur les conditions indispensables pour les diriger vers des productions nouvelles. Ce sont en premier lieu :
- L’arrachage ou la libération de la parcelle.
- Le regroupement des parcelles en unités de taille exploitable dans le cadre d’une exploitation de type polyculture/élevage.
- Le besoin d’une rénovation agronomique des sols.
Ces premières conclusions débouchent d’abord sur une impasse financière. Le coût important (estimé à environ 2500€ de l’hectare) de la libération de la parcelle est insupportable pour le propriétaire et il décourage d’emblée un hypothétique porteur de nouveau projet.
Elle font également apparaître un besoin de temps (plusieurs années) pour deux raisons :
- l’amélioration agronomique des sols.
- qu’un regroupement de plusieurs propriétés permette la constitution de parcelles utilisables.
En attendant, la situation se dégrade d’elle-même, les parcelles débarrassées restent au mieux en l’état. Les causes profondes identifiées nécessitent désormais une prise de conscience générale pour une action globale.
Un besoin d’une transformation structurelle
L’idée a ainsi germée de défendre le besoin d’un “système-outil” pour prendre en charge et gérer dans le temps le regroupement et la transformation des parcelles avant de les orienter vers des productions nouvelles. Il aurait pour buts principaux :
- En premier lieu de sortir les déprises viticoles de leur absence de statut (ni louées, ni exploitées en titre, ni régime forestier), mais à charge des propriétaires pour l’impôt foncier.
- D’avoir capacité matérielle à libérer ces terrains et les préparer à d’autres cultures adaptées à leurs capacités agronomiques et durables spéculativement sur le moyen terme.
- De pouvoir regrouper des parcelles pour créer une offre visible et intéressante pour les porteurs de projets.
- D’offrir une alternative claire aux propriétaires qui, après la période de transformation de leurs parcelles pourraient choisir soit de rester propriétaires en louant au nouveau porteur de projet, soit de vendre leur bien.
À ces débats, très professionnels, doivent s’ajouter des objectifs sociétaux qui concernent les demandes de la population en matière d’alimentation et de santé et une réflexion plus générale sur les problèmes climatiques.
Concrétiser la réflexion par une démarche/action originale et globale.
Conscients de la complexité de ces conclusions, nous nous sommes orientés vers la recherche de démarches similaires de transformation/action dans un territoire qui ont permis d’entrevoir des résultats.
Le noyau de réflexion – composé d’acteurs locaux investis dans les structures de l’E.S.S., militants syndicaux et citoyens – qui travaille depuis le printemps 2015 s’est étoffé et organisé pour agir concrètement. Depuis début 2016 ce groupe de travail est accompagné par CAP44.
Il a rencontré des membres du bureau municipal de la commune de Monnières, très touchée par la déprise qui avaient entamé un diagnostic de territoire et se trouvaient à la recherche de solutions face aux mêmes problèmes.
Devant la convergence totale tant des analyses que des ébauches d’objectifs les deux démarches se sont enrichies mutuellement et ont décidé d’œuvrer ensemble vers la recherche du même objectif. Elle bénéficiera du diagnostic de territoire en cours à Monnières ainsi que de l’expérience de cette commune en démocratie participative pour transposer ces principes ailleurs dans le territoire.
Une expérience originale est conduite sur des friches urbaines autour de Nantes. Des acteurs locaux (agriculteurs, propriétaires, associations, collectivités locales) se sont regroupés en SCIC pour remettre en culture des terrains en non valeur économique depuis plusieurs années, les entretenir en attendant de les remettre dans le circuit économique de l’agriculture locale. C’est de la découverte de cette initiative qu’est venue l’idée d’une réflexion sur l’adaptation de cet outil aux besoins spécifiques rencontrés dans le vignoble.
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